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dimanche, mars 13, 2011

244 - Censored dream


  Certains des mots qu’utilise Katia durant notre conversation téléphonique sont flous, presque inaudibles. Je comprends « rendez-vous », j’entends aussi « à la maison, chez toi ». Puis elle se dresse devant moi, dans le salon. C’est bien la première fois qu’elle vient dans mon appartement. Elle trouve le lieu bien accueillant, mais le bahut très imposant et trop vieux, comme l’horloge à balancier. La conversation est très courtoise. Katia utilise des termes inhabituels dont la précision et la pertinence m’étonnent. Elle me demande à boire, puis s’allonge sur le canapé en cuir sans me demander l’autorisation, tournant le dos au monde. Elle agite mollement trois doigts pour me signifier de la rejoindre. Elle se tourne un moment vers moi, puis reprend sa position. Le salon est plongé dans un doux et vague clair-obscur. Sa voix et ses mouvements sont gracieux. « La lumière de la télé suffit amplement » dit-elle. Son français est impeccable. Curieusement, je ne m’en étonne pas. Avec la même voix sans accent, elle demande que je diminue le son de l’appareil. Elle trouve le salon sympathique et accueillant, mais le bahut n’est pas à son goût. Trop vieux dit-elle, comme l’horloge. De nouveau elle balaie l’air de son bras et dit « viens ». Je baisse le son de l’appareil et m’approche d’elle. Katia se retourne encore. Je saisis timidement le bras gauche qu’elle me tend. Lentement, encouragé par le clignement de son œil et l’expression de sa bouche, je me laisse glisser à son côté. Difficilement. J’ose à peine la frôler. Elle doit entendre mon souffle irrégulier. Cette fois elle me tourne le dos. Sa main tâtonne. Elle trouve la mienne, la saisit (censored). Le canapé ne tiendra pas. Ses ressorts peu indulgents cognent contre mon épaule, mes côtes. Elle répète que le bahut n’est pas élégant, pas moderne. Elle dit aussi que l’horloge est vieille. Je pose deux ou cinq baisers sur son cou, sous le lobe de son oreille. (censored) Et le poème fuse « Vertigineuse douceur ! /A travers ces lèvres nouvelles, /Plus éclatantes et plus belles, /T’infuser mon venin, ma sœur ! » (censored) Elle m’enlace très fortement et nous demeurons ainsi une éternité. Je frôle l’origine du monde, Je suis à deux doigts de m’y désintégrer, exploser, décomposer, lorsque l’intrusion incompréhensible de ma famille (Véro, Miou et Didi) met un terme au manège. C’est Apocalypse now. Ils fixent sur moi, moi seul, leur regard noir qu’ils accompagnent d’un gros doigt pointé, tout autant accusateur qu’un triple zéro que ma maîtresse de classe élémentaire m’administrait, devant une trentaine de paires d’yeux ravis. Apocalypse now. Les hélicos. Les pales. Les bourdonnements. Des Vietnamiens courent sans avenir. Des fillettes nues hurlent, hurlent. Et eux, tous les trois, sont là devant moi, fixant ma conscience comme on fixerait le diable en personne, et Katia pendant ce temps crie « change ton armoire, jette cette horloge, c’est trop vieux ! » Où est-elle ? Où sont-ils ? Je me suis relevé en sursaut et j’ai couru vers la salle de bains. Cinq heures du mat. Le traversin est demeuré coincé entre mes orteils durant un long moment. La couverture en gros dé, gisait, inerte sur le sol, formant comme une congère attendant son heure. J’avais l’air d’un pantin. Bouffon. Arlequin. Mal de chien à la tête. J’ai décidé que je n’irai pas travailler. J’ai inventé une maladie inopinée pour calmer la secrétaire. J’étais épuisé. Et fichtrement déçu toute la journée. Je l’entends encore la Katia : « c’est bien chez toi, mais ta grosse armoire est trop vielle, comme l’horloge ; jette-les, mais jette-les ! »

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Hier soir le maire m'a remis ça, lors d'une très sympathique soirée, devant deux-cents personnes, dédiée aux "réussites". 




 
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