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mercredi, juin 22, 2011

263 - Boualem Sansal: Prix de la paix des libraires allemands

La décision a été rendue publique jeudi 9 juin: 
c'est l'écrivain algérien et francophone Boualem Sansal qui recevra le prix de la paix des libraires allemands lors de la Foire du Livre de Francfort, le 16 octobre prochain. On salue en lui l'audace de la critique, le refus des tabous et les efforts en faveur d'une meilleure compréhension entre les peuples. Un choix très politique, à l'heure du "printemps arabe" et de l'impasse du processus de paix israélo-palestinien.

L'Organisation des libraires allemands n'a pas voulu s'en cacher: le prix de la paix – doté de 25 000 euros et qui sera remis le 16 octobre prochain à l'écrivain algérien Boualem Sansal - a une connotation bien politique. Il doit "lancer un signe en faveur du mouvement démocratique en Afrique du Nord", a déclaré le porte-parole de l'Organisation jeudi 9 juin. L'écrivain algérien, qui a rédigé en français cinq romans et deux essais, peut en effet apparaître à bien des égards comme un guide sur la voie des révolutions arabes et, au-delà de cette sphère géographique, comme le chantre d'une réconciliation entre les peuples.

Le premier roman de B. Sansal, un policier de 400 pages, mûri pendant les années de guerre civile
L'audace de la critique
Les relations opaques entre le gouvernement, l'armée et les services secrets algériens, l'attentisme des puissances occidentales, la cupidité des investisseurs étrangers, les manœuvres des islamistes, des hauts-gradés et des piliers du "pouvoir" algérien: personne n'est épargné par la critique tantôt froide, tantôt acerbe et violente de Boualem Sansal. Celle-ci se fait d'autant plus virulente que l'écrivain tarde à se consacrer à l'écriture.
Né en 1949 dans un village de montagne du Nord de l'Algérie, le jeune Boualem se lance dans des études d'ingénieur à Alger et Paris. Docteur en économie, il est tour à tour enseignant, consultant, chef d'entreprise et haut fonctionnaire au ministère de l'Industrie algérien. L'économiste songe à prendre la plume au moment de la guerre civile algérienne. Il ne le fera finalement qu'en 1999, avec son premier roman, Le Serment des Barbares, paru à Paris et aussitôt récompensé par le prix du premier roman et le prix des Tropiques.
Ecrire en dépit des menaces
Dès lors, les menaces pèsent sur l'écrivain. Boualem Sansal est peu à peu mis à l'écart, il perd son poste en 2003 mais refuse toutefois de céder aux intimidations et de quitter l'Algérie, comme l'ont fait nombre de ses amis et d'intellectuels hostiles au pouvoir de Bouteflika. Et lorsque Gallimard lui propose d'utiliser un pseudonyme, Boualem Sansal refuse net: "De l'extérieur, on ne peut pas faire une critique sérieuse" rétorque-t-il à son éditeur.
Bien que placé à l'index, Sansal ne renonce pas à l'écriture. Suivront quatre romans et deux essais. Parmi eux,Poste restante, une lettre ouverte à ses compatriotes, et Le village de l'Allemand, qui illustre la volonté de l'écrivain de dépasser tout type de tabou.
C'est dans l'église Saint Paul de Francfort que B. Sansal recevra son prix, doté de 25 000 euros, le 16 octobre prochain
Briser les tabous
Boualem Sansal y met en scène deux jeunes Français d'origine algérienne, habitant en banlieue parisienne. Après la mort de leurs parents, les deux frères découvrent que leur père, mort en héros de la guerre de libération nationale, servait autrefois dans les milices SS et avait travaillé aux camps de Buchenwald et Dachau… Un roman basé sur une histoire vraie, qui met à mal les clichés véhiculés avec la guerre d'Algérie (1954-1962) et brise enfin le silence qui entoure la Shoah en Algérie. Voir un écrivain arabe évoquer ouvertement le génocide du peuple juif pendant la Seconde Guerre mondiale justifie d'emblée le prix de la paix que lui attribue aujourd'hui l'Organisation des libraires allemands, heureux de pouvoir saluer en Boualem Sansal "un romancier passionnant, qui travaille avec beaucoup d'esprit et de sensibilité à la rencontre des cultures, dans le respect et la compréhension mutuelle entre les peuples".
Dorothée Bellamy

Le 09/06/2011

in: http://www.lagazettedeberlin.de/6657.html

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Littérature / Algérie / Allemagne -  Article publié le : vendredi 10 juin 2011 - Dernière modification le : vendredi 10 juin 2011
L’écrivain algérien Boualem Sansal va recevoir le Prix de la paix des libraires allemands
Boualem Sansal recevra le prestigieux Prix de la paix des libraires allemands en 2011.
Getty Images/Ulf AndersenPar Siegfried Forster
Après l’Algérienne Assia Djebar en 2000, c’est à nouveau un écrivain algérien qui recevra le prestigieux Prix de la paix des libraires allemands, doté de 25 000 euros, a déclaré l’Organisation des libraires allemands ce jeudi 9 juin 2011.
En récompensant cet intellectuel qui « critique ouvertement la situation politique et sociale » en Algérie, l'Organisation des libraires allemands entend apporter son soutien au mouvement pour la démocratie en Afrique du Nord, a déclaré son président, Gottfried Honnefelder, à Berlin.
Dans une première réaction après sa nomination, Boualem Sansal a déclaré : « Je n’y croyais pas. J’ai cru que c’était une blague ». Dans une interview à Boersenblatt.de, la revue de l’Organisation des libraires allemands, Sansal a dédié son prix aux révolutions dans les pays arabes. « Le prix arrive à point nommé. Les gens dans les pays arabes luttent pour la liberté – et la paix est pour eux la liberté. »
Boualem Sansal est né en 1949 à Alger. Il a fait des études d’ingénieur en Algérie et en France et obtenu un doctorat d’économie. Son premier roman publié en 1999, Serment des barbares, dépeint la difficile réalité algérienne. Aujourd’hui âgé de 61 ans, l’écrivain est connu pour son engagement politique et citoyen.
La Shoah racontée au public arabe
Sansal compte parmi les rares écrivains algériens connus et censurés qui ont choisi de rester vivre et travailler en Algérie. Après avoir été haut fonctionnaire au ministère de l’Industrie, il a été licencié en 2003 à cause de ses critiques contre le pouvoir en place. Après la sortie de son livre Poste restante il a été menacé et insulté.
Dans son roman Le Village de l’Allemand, il raconte la Shoah au public arabe, basé sur l’histoire réelle d’un Allemand devenu héros de la révolution algérienne et assassiné par les islamistes du GIA. Publié en 2008, ce livre a été également censuré en Algérie. Selon ses propres dires, son leitmotiv restera : « Je fais de la littérature, pas la guerre ». Le Prix de la paix des libraires allemands lui sera remis le 16 octobre 2011 à la Foire du livre de Francfort.


in:
http://www.rfi.fr/europe/20110609-ecrivain-algerien-boualem-sansal-va-recevoir-le-prix-paix-libraires-allemands


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Litterature : Les libraires allemands distinguent Boualem Sansal


Boualem Sansal a obtenu le prix de la Paix des libraires allemands. C’est le deuxième écrivain algérien à l’obtenir  depuis Assia Djebar en 2000. Le président de l'Organisation des libraires allemands Gottfried Honnefelder a déclaré que cette distinction récompensait un intellectuel qui « critique ouvertement la situation politique et sociale » en Algérie. le prix entend ainsi apporter son soutien au mouvement pour la démocratie en Afrique du Nord.


Dans une interview à Boersenblatt, la revue de l’Organisation des libraires allemands, l’écrivain Sansal a d’ailleurs dédié son prix aux révolutions dans les pays arabes. « Le prix arrive à point nommé. Les gens dans les pays arabes luttent pour la liberté – et la paix est pour eux la liberté. »


Boualem Sansal est né en 1949 à Alger. Il a fait des études d’ingénieur en Algérie et en France et obtenu un doctorat d’économie. Son premier roman publié en 1999, Le serment des barbares, dépeint la difficile réalité algérienne. Son dernier roman n’est certainement pas étranger à la remise de ce prix en Allemagne.


En effet, dans Le Village de l’Allemand (2008- Paris, Gallimard), il raconte le massacre dans les camps de concentration nazis où ont notamment  péri des milliers de juifs. L’histoire est basée sur l’histoire réelle d’un Allemand devenu héros de la révolution algérienne et assassiné par les terroristes islamistes du GIA dans les années 90. Le Prix de la paix des libraires allemands lui sera remis le 16 octobre à la Foire du livre de Francfort.


Walid Mebarek


In: El Watan 10 juin 2011
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Voici les trois mots de l'APS:
APS : Algérie Presse Service
L’Algérien Boualem Sansal reçoit le "prix de la paix" des libraires allemands
Allemagne-Algérie-littérature /
Allemagne-Algérie-littérature
L’Algérien Boualem Sansal reçoit le "prix de la paix" des libraires allemands
BERLIN - L’écrivain algérien Boualem Sansal recevra cette année le prix de la paix décerné par les libraires allemands, a annoncé jeudi cette organisation à Berlin.


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A LA MEMOIRE DE MOHAMED BOUAZIZI

Par BOUALEM SANSAL

"Cher frère,
Je t'écris ces quelques lignes pour te faire savoir que nous allons plutôt bien mais ça dépend des jours, parfois le vent tourne, il pleut du plomb, la vie nous échappe par tous les pores. A vrai dire, je ne sais trop où on en est, quand on est dans la guerre jusqu'au cou, c'est à la fin qu'on voit s'il faut faire la fête ou porter le deuil. Et là, vient la question cruciale : faut-il suivre ou précéder les autres ; les conséquences ne sont pas les mêmes, une victoire peut tourner court et il est des défaites qui sont le début de vraies grandes victoires. A ce jeu de la mort surprise, il y a le temps d'avant et il y a le temps d'après, mais il y a un seul instant, extraordinairement fugace, pour se décider.
Regarde ces pauvres Yéménites qui se sont réjouis du départ en civière de leur misérable Saleh. Ils se sont dit : il est mort, nous allons enfin vivre. Mais le monstre est revenu à la vie, fou de colère, il sera sans pitié. Les Occidentaux hésitent à le lâcher. Pas de relève à l'horizon, il n'y a que des caciques à l'affût, des djihadistes en embuscade et des tribus armées jusqu'aux dents, on ne fait pas une démocratie avec ça.
Pareil ailleurs, les gens ne savent sur quel pied danser, Kadhafi désespère l'humanité, il refuse de mourir, Boutef désespère Dieu, il refuse de faire sa dernière prière, et que dire de l'Assad, il désespère la Mort, il tue plus vite qu'elle. Qu'il est long le "printemps arabe" et que les jours sont incertains !
Je ne dis rien sur la Tunisie, cher Mohamed, tu es le dernier que je voudrais vexer. Mais tu le sais, les caciques dans ton pays sont comme ça, increvables, malins comme des singes, doucereux comme des assureurs, ils te promettent d'une main ce qu'ils sont en train de t'enlever de l'autre. Ils le tiennent des Phéniciens qui étaient si rusés et si âpres qu'on se demande comment ils ont disparu, si vraiment ils ont disparu.
Bourguiba le grand Suffète n'était que sourires et belles manières, il déshabillait les gens par enchantement. Ce qu'il leur donnait n'était en vérité que choses leur appartenant en propre. Que la femme ait ses droits, quoi de plus naturel. C'est ce qu'il a réussi à faire, donner à la Tunisienne ce qu'elle tenait de Dieu et d'elle-même, la beauté, l'intelligence et la liberté. En Tunisie, on dit "Bourguiba nous a donné...", c'est une erreur, de ces erreurs qui mènent aux dictatures. Si quelqu'un te donne, un autre peut te le reprendre. Le Bourguiba a gardé le pouvoir trente années, autant que le Moubarak et le Saleh, et c'est un Ben Ali, sa créature, qui lui a succédé.
Il est temps d'ouvrir les yeux, il n'y a de liberté que celle qu'on se donne soi-même. Si le successeur de Ben Ali promet la liberté et la démocratie, il faut le chasser, c'est un dictateur. Les Tunisiens ont mieux à faire, n'est-ce pas, que de lui expliquer qu'ils se les sont données eux-mêmes, la liberté et la démocratie, et qu'ils attendent de lui une gestion saine du budget de l'Etat, le reste ne le concerne pas. Donc, pas de discours, pas de religion, pas de trémolos, des actes, point ! Et gare aux notables, ce sont des voleurs de révolutions.
Les autres bandits de la confrérie, les Bouteflika, les Moubarak, les Ben Ali, les Assad et consorts, avaient bien tenté d'imiter Bourguiba, mais n'est pas Bourguiba qui veut, ils revinrent vite à leur vraie nature : le meurtre, la torture, le vol.
Jésus a dit quelque chose comme ça : Celui qui fait le vin n'est pas celui qui le boit. Toi, Mohamed, noble et courageux rejeton de Sidi Bouzid, tu as délivré l'étincelle, ta tâche est terminée, il nous revient de finir le travail. Et, croix de bois, croix de fer, nous le ferons, nos enfants vivront dans la paix que nous leur préparons.
Mais voyons le fond. Celui qui ne sait où aller, peut-il trouver le chemin ? Chasser le dictateur, est-ce la fin ? De ta place, bienheureux Mohamed, tout près de Dieu, tu le sais, les chemins ne mènent pas tous à Rome, chasser le tyran ne donne pas la liberté. Les prisonniers aiment quitter une prison pour une autre, histoire de changer d'air et de gagner un petit quelque chose au passage. Et là, tu vois, j'ai peur pour nos révolutionnaires, ils manquent de perspective. En Algérie, en 1988-1989, nous avons chassé le dictateur Chadli, qui n'était pas le pire des bandits, et qu'avons-nous fait après, nous nous sommes jetés dans les bras des islamistes, nous nous sommes adonnés à corps perdus au trabendo, cette petite contrebande cancérigène, et, petits ruisseaux faisant les grandes rivières, nous avons fabriqué des trafiquants planétaires. Est-ce tout ? Que non, que non, nous avons abandonné nos enfants, ils sont allés nourrir les poissons en mer ou se sont perdus dans les cloaques de l'émigration clandestine, sur une promesse de vie stérile et courte. Et tout fiers, nous nous sommes acoquinés à un Bouteflika, le pire des bandits sur terre.
Cher Mohamed, si tu pouvais revenir, dis-leur que tu ne t'es pas immolé pour ça, tu voulais que la dictature et ses ombres, toutes ses ombres, le clanisme et le népotisme comme des camisoles de force, le racisme d'Etat et l'antisémitisme comme seul regard sur le monde, l'islamisme ou l'exil comme seules espérances, que toutes ces choses mortifères disparaissent de notre chemin et cèdent la place à la vie propre, tranquille, chaleureuse, amicale.
Cher Mohamed, cher héros, il n'est pas donné à la même personne d'allumer le feu et de cuire la soupe, mais il est juste que tous y trempent leur pain. Il nous faut nous libérer de nos maux mais aussi soigner les mesquins, les détraqués, les imams fous, les trafiquants. Sinon, on remplacera une élite ignare et corrompue par une élite jargonneuse tout aussi profiteuse, vivant pour l'essentiel en Occident où la démocratie locale les accepte mal, car telle est la démocratie, elle ne reconnaît que les siens, ceux qui se sont battus pour elle. J'ai l'impression que les choses se passent ainsi dans ce monde arabe qui tente de se réveiller de plusieurs siècles de rêvasseries et de despotisme, mais c'est vrai que dans le fracas et la fumée des répressions, on distingue mal le vrai du faux. L'urgent est impérieux, il empêche de voir loin.
C'est cela que je voulais te dire, cher Mohamed. Si tu pouvais te manifester pour nous éclairer, ce serait bien. Là-haut, vous savez l'avenir du monde."

Boualem Sansal

in:
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/06/14/boualem-sansal-romancier-algerien-a-mohamed-bouazizi_1535844_3212.html
Boualem Sansal, romancier algérien : "A Mohamed Bouazizi"    Article paru dans l'édition du 15.06.11




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