Rechercher dans ce blog

samedi, février 15, 2014

426- Fêlure


-->

Ta joue droite repose sur la paume de ta main
qui la soutient ou réchauffe.
Ou rassure.
Ton regard
si lointain jusque-là
paraît suspendu à tes pensées atrophiées.
Tu semblais méditer au néant,
absente,
te voilà confrontée à un flux de conscience
que tu vibres de tant vouloir transformer en actes de paroles
en réponse à mes interrogations.
Il me semble.
Car je ne suis pas sûr que mes questions te parviennent.
Tes lèvres rétives,
étrangères depuis longtemps à toute parole
demeurent impassibles à mes ridicules gesticulations, 

« Amma, kiraki, ghaya ? » (maman, comment vas-tu, bien ?)
Tu ne réagiras pas.
« Irrémédiable ».
Je le sais pourtant,
mais je persiste à espérer l’impossible.
Un miracle.
Tu me regardes.
Tu persévères.
Longuement.
Et encore.
Tu creuses dans mon visage,
dans mon chagrin,
pour que surgissent d'improbables souvenirs
et y arrimer la justification de ta présence,
l’automne de ta vie.
La lumière qui progressivement, timidement,
jaillit du centre de l’iris, atténue ma tristesse.
Me console un temps.
Je comprends, je saisis le message de cette flamme éphémère.
Tu sembles vouloir me couvrir de
« combien je t’aime mon fils,
combien je te comprends,
combien toutefois je suis captive de la maladie
d’Alois ».
La forte pression de ton autre main agrippée à mon bras me réconforte.
Un moment.
La lumière qui jaillissait de tes yeux a un instant transformé tes lèvres demeurées closes.
Tu as souri 
 et sous mon masque d'homme 
coule mon bonheur 
ou mon incessible douleur.



A.H.

Douar B., février 2014.



------------