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dimanche, octobre 30, 2016

556_ Salon du livre d'Alger (SILA) 5_ Mon dernier jour au SILA.


Dimanche 30 octobre 2016_ et dernier jour au SILA.

Réveil très matinal. 6h45. J’ouvre les volets. Il fait un peu frisquet… 9h30 : métro, tram, la foire. Dans le tram, mon voisin est une voisine. Entièrement voilée. De la tête aux chaussettes. Plus la voilette sur le visage, plus les gants. Tout en bleu foncé. Elle dit être une dame d’un âge certain. Je ne la crois pas. Sa voix, sa bonne humeur et sa gestuelle la trahissent, mais elle ne le sait pas. Oui car elle me parle. Sans arrêt. Sans me dire Hadj ou cheikh. Elle parle de tout. Cela a commencé à l’arrivée du tram. Dès que les portes se sont ouvertes j’ai ressenti qu’on me poussait pour entrer dans la rame. J’ai dit « attendez s’il vous plaît que les personnes descendent… » elle (c’est elle) a dit «le monsieur ne semble pas connaître… » J’ai répondu « je sais madame, je sais ». Elle a rigolé. Puis nous sommes montés. Elle s’est assise à ma gauche et n’a plus cessé de parler. On a parlé de tout, plus elle que moi : « el akhlak » (l’éducation), l’administration, la corruption, le nifak (l’hypocrisie), la Norvège (c’est qu’elle respecte beaucoup les pays scandinaves pour la droiture de leurs liens sociaux, leurs gouvernants…), elle a beaucoup parlé de sa cousine « beur » qui n’aime pas les comportements a-sociaux des gens d’ici (c’est elle qui dit cela). Bref j’ai passé un bon moment. La « foire » m’a semblée beaucoup plus proche que ces derniers jours. « ça a été un vrai plaisir ya madame » Elle me répond, presque joyeuse, « pour moi aussi monsieur, bonne journée (J’ai oublié de dire qu’elle parle parfaitement le français.)

La foire : Il y a foule et fouille. « A qui est-ce ? » dit le jeune agent de sécurité en exhibant les livres qu’il a sortis de mon sac à dos, « c’est à moi » (oui car les sacs à dos, à main, les saccoches… avancent plus vite sur la table que les personnes sous les portiques, il y a donc à un moment un décalage). « C’est interdit cheikh ». « Ah oui ? et pourquoi aujourd’hui et pourquoi pas hier, ni avant-hier ? » Il s’est rendu compte qu’il avait l’air fin « maalich, roh, roh »…

14 heures sont proches et il y a deux très importantes affiches : dans la salle des conférences (200 places) il y a Dany Laferrière, et là, dans ce réduit du ministère de la Culture (16m2) il est prévu Ahlam Mostaghenemi. Je patiente ici, chez Ahlam. Je suis parmi les premiers. J’ai le plus grand respect pour l’écriture de Ahlam, virevoltante, tonitruante, qui bouscule les précarrés, les préjugés et les certitudes béates. J’ai lu ses deux ouvrages traduits en français, Mémoires de la chair et Chaos des sens. Je les ai trouvés absolument fabuleux. J’attends avec impatiente (depuis deux ans !) la traduction des autres. Non seulement l’histoire, mais le verbe. Quel plaisir ! Voici ce que j’écrivais sur mon blog il y a deux ans :

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« Je l’avoue et j’en ai presque honte, j’ai découvert Ahlam Mosteghanemi au début de cette année 2014. Son nom ne m’était pas étranger, certes. Je savais vaguement que c’est une femme qui écrit en arabe. Mais, hélas, je ne lis ni romans, ni journaux, ni quelque document que ce soit en arabe. Car je ne maîtrise pas cette langue, même si je parle parfaitement l’oranais. A vrai dire je ne me suis jamais, ou presque jamais, intéressé à la littérature arabophone. Avec le temps c’est devenu une habitude, une seconde nature que de ne prêter aucune attention à ce qui s’écrit dans cette langue. D’autant qu’ils ne sont que très peu ou pas traduits. Ouatar peut-être, ou la poésie. Je n’en suis pas du tout fier... De Ahlam Mosteghanemi je n’avais jamais lu une ligne avant ce jour de janvier lorsque je suis rentré dans la nouvelle librairie de la place du 1° novembre à Oran. Au rayon des ouvrages en français je recherchais des nouveautés. Quelque roman ou autre écrit publié en Algérie. Foin de romans édités à l’étranger. Je désirais acheter un roman local. Et je tombe sur deux romans de Ahlam Mosteghanemi en français : Mémoires de la chair (traduit de l’arabe par Mohammed Mokeddem) et Le chaos des sens, traduit par France Meyer, édités tous deux par Sédia. Je feuillette Le chaos des sens et c’est le choc. Une dramaturgie poétisée. Je lis, relis, deux pages, puis cinq puis je ne sais… » La suite se trouve ici :

--> http://leblogdeahmedhanifi.blogspot.fr/2014_04_01_archive.html#7658578726562437501

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LES VIDEOS DE LA FERRIERE ET DE MOSTEGNANEMI RAMENT !!
JE LES METTRAI UNE FOIS QUE JE SERAI RENTRE A MARSEILLE _ VERS FIN NOVEMBRE
DESOLE

 
Dany Laferrière au SILA_ Dim 30 oct 2016
Et là, cette femme magnifique va se présenter devant nous, hélas pas pour parler de ses romans, mais pour les vendre (on ne peut tout avoir). La foule est impressionnante. Nous sommes peut-être cent cinquante personnes à faire le pied de grue. Sans compter les journalistes de plusieurs TV, très nombreux et indisciplinés comme savent l’être les journalistes en général. Ils vont et viennent sans arrêt avec leurs encombrants matériels, « poussez-vous ». Je suis face à un dilemme.

Rester et rater l’émission de radio où l’on m’attend ou bien me présenter à la chaîne trois et parler de mes livres. J’hésite (pas longtemps pour être honnête). J’opte pour la radio. On m’attend à 45 et il est 14h35. Tant pis pour Ahlam.


La radio chaîne trois. Je ne sais le titre exact de l’émission : « arts… » quelque chose. « Bonjour », « bonjour… » L’animatrice est Soraya quelque chose aussi. Arrive peu après la star du moment, la très jeune Khawter Adami, demandée par tous partout. Très sympathique (accent de titi parisien à couper dans du brouillard, au fait comment dit-on titi au féminin ?) Arrivent aussi Agnès Spiquel, Christian Pheline, Maurice Mauviel. Je pensais parler de mes écrits, de Camus, de la poésie, de ceci, de cela…. Je vous jure que j’ai été expédié en moins de trois minutes. Comme un malpropre. J’étais outré. « Si j’avais su, j’aurai pas (je vous le jure) venu ». Moi qui ai passé plus de deux heures à me préparer, à faire des schémas et tout, surtout pour parler de Camus, car je pensais sérieusement qu’on allait me poser des questions sur Camus, l’Arabe, et tutti quanti. Que nenni. J’eus droit à un gros truc incompréhensible « alors comme ça vous habitez en France et vous n’êtes pas édité en Algérie gnagnagna… » 


 
Photo:République des Arts- Chaîne3_ Kaoutar Adimi- Ahmed Hanifi
Photo: Rép des Arts

Photo: Rép des Arts

Photo: Rep des Arts


 J'ai couru pour aller entendre Dany La Ferrière à la salle des conférences, mais je suis arrivé tard. Il a achevé son intervention. "Il répond aux questions des journalistes" me dit Madame Si-Ahmed (je l'ai rencontrée hier), elle fait partie du staff de l'organisation... "Moi aussi j'ai été journaliste!" "Ben alors allez-y". C'est ainsi que je me suis retrouvé dans le mini cercle des privilégiés, dans une petite salle. Une demi-douzaine. C'est Fayçal M. qui pose le plus de questions. La Ferrière répond tranquillement, avec tact et bienveillance durant dix minutes (depuis que je suis arrivé), jusqu'à ce que la responsable du protocole annonce "c'est fini, place aux dédicaces"... et c'est une cascade de livres qui sont posé sur les cuisses de l'écrivain, qui signe avec patience...  Arrive un non-voyant qui demande "où est monsieur La Ferrière?" On l'en approche. Ce monsieur j'ai échangé avec lui en décembre dernier, lors du forum du roman à Alger. Un homme de grande culture et d'une mémoire faramineuse. Il peut réciter un livre entier (je n'exagère absolument pas) ou un texte daté de plus de quinze ou trente ans. Il dit à Dany La Ferrière "nous nous sommes rencontrés il y a huit ans et nous avions mangé ensemble une Tchektchouka!" La Ferrière semble s'en souvenir et il rit...
Je suis rentré groggy du fait de la Chaîne 3. Heureusement, à côté de l’hôtel il y a Le Pigalle, pour se désaltérer. Et je me suis désaltéré.

Eh bien vous savez quoi ? au moment où j’achève ces lignes, un responsable d’émission télé algérienne m’appelle… Rendez-vous demain… Incroyable. J’y reviendrai.

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555_ Salon du livre d'Alger (SILA) 4.








Samedi 29 octobre 2016_ Mauvaise nuit. Très. Que de bruit, que de bruit ! Ce ne fut pas le Hammam, pas même le souk aux bestiaux ou quelque autre souk ou je ne sais. Un entre-deux insupportable. Les boules Quiès que j’ai confectionnées à partir de mouchoirs en papier (Kleenex ou équivalent) ne servirent à rien. J’ai subi (avec d’autres clients qui n’ont rien demandé) le trafic imbécile de quelques imbéciles – comme leur trafic – jusqu’à une peut-être deux heures du matin.
7h30. Petit déj et l’Internet dans le salon. Très fluide le Net, because le salon, « D-Link_DAP_XXX » etc. Dans les chambres, c’est au gré du bon vouloir de l’air ambiant. Un Égyptien fait des siennes. Il ne se rend pas compte qu’il n’est pas seul (j’écris « Égyptien », mais il ne l’est peut-être pas. Je m’oriente à l’accent. Mais que sais-je des accents ?) Bref, le type parle si fort que je me demande s’il n’est pas totalement sourd. Les clients (une demi-douzaine) qui sirotent tranquillement leur café, café au lait, jus d’orange ou d’abricot (avec croissant, pain confiture) font mine de ne pas être dérangés. Mais ils le sont parfaitement, comme moi je le suis. Mais bon je me dis, « barrani ». Je ravale mon mécontentement. C’eut été un gars de chez nous, je me serais dit « Ya khi arriviste ya khi ». Mais non, il n’est pas d’ici, c’est un Égyptien, enfin, je veux dire, un étranger. (Là je prends une pause pour expliquer, car une personne m’a reproché d’être ironique et sévère dans mes commentaires et que je déformais la vérité. Elle a raison cette personne. Je lui réponds que j’essaie d’écrire des textes qui ne reflètent pas véritablement à 100% la réalité de la vie vraie (hormis les photos, vidéos), mais qu’il s’agit pour moi de raconter d’une certaine façon les journées à Alger en utilisant un langage spécifique… Ma vérité elle est dans les marges de l’écriture, pas dedans, hé oui ! ou plus exactement, ma vérité se trouve en creusant les mots, pas en se contentant de leur surface qui n’est finalement pas si importante que cela.)

10h08. Je quitte l’hôtel. Il fait super beau, avec une petite brise qui caresse les visages. La grande poste. Les gens m’ont l’air disposés à la bonne humeur. Ils sont souriants, alertes. Ils marchent, le pas décidé et le regard aux aguets. Ont envie de positiver. A moins qu’il ne s’agisse là que de moi. C’est moi qui suis plus en forme, malgré l’horrible nuit. Il est vrai aussi que nous sommes samedi, autrement dit jour de week-end, le second.
Métro : « Un ticket combiné s’il vous plaît pour la foire. » (je dis ‘foire’ moi aussi). « Ma kench, tram habess ». C’est le guichetier. Il m’explique qu’il y a un problème « grève »… Il me conseille de prendre le métro jusqu’au terminus « El Harrach Centre » et prendre là-bas le car qui va à Dar el Baïda ».  Terminus, marche de cent mètres, à gauche, puis à droite encore cent mètres. Une tahtaha (esplanade), voilà les cars, minicars. « Il faut patienter, car elkiran, les cars, il y en a deux, sont pris au piège des embouteillages au niveau de la foire, patientez s’il vous plaît. » La patience fut courte, 20 minutes seulement. En voilà un. « Dar el Baïda, dar el Baïda ! » En moins de deux minutes le minicar (plus de 60 personnes) est comble, 20 DA, sans ticket… je n’ose rien dire puisque personne ne dit rien. Normal.
Je suis assis à l’avant dernière rangée du véhicule. Derrière moi deux hommes discutent. Ne sont pas très jeunes. Peut-être mon âge (vieux quoi). L’un d’eux semble (au vu, ou plutôt à l’ouïe, de ce qu’il dit) avoir vécu en France. Et on y va « les fromages ? eh ! ils en ont un milliard ! » je me retourne et constate qu’ils ont l’air sérieux… puis « A 18 ans, s’il reste à la maison le fils il paie 50% du loyi à son père ou alors il s’en va ! »… puis « ils aiment vivre seuls les vieux, c’est comme el-hallouf ! » Je me suis demandé – honnêtement, si ce type ne perçoit pas, tout en étant ici au Bled, le minimum vieillesse ou le RSA : plus de 500 € (700 ?), en crachant dans la soupe. Je me le suis honnêtement demandé. Bon voilà quoi… « Âïb alih » ai-je pensé. Il y a des pauvres en France qui ont besoin de ce RSA, et lui il est là à vivre très bien à l’étranger avec leur argent et il crache dans la soupe française, « Âïb alih ». Je les ai juste regardés sévèrement en descendant. Ils ont compris, j’en suis certain.
 
11H50 : à l’entrée B1 comme B2 la foule est beaucoup plus nombreuse que les jours précédents. A l’intérieur c’est pire qu’un stade complet comme un œuf d’autruche ou d’oie au moment où l’arbitre siffle la fin de la partie. Tout le monde se lève comme un seul homme et avance vers la sortie, combien trop exiguë. Et la chaleur, la chaleur !
Je pars à la recherche du stand M16. « 1° étage ». OK. Mettez-vous à ma place : vous avez devant vous une affichette mentionnant « M 26 », puis une autre « M 24 », puis « M 22 ». Que vous diriez-vous ? Que vous y êtes presque ? Vous avez tord. Je passe devant le stand « M22 », puis « M20 », puis « M 73, « 71 », « 69 »… A devenir dingue non dans ce hammam ?
Je finis par trouver. Zehira est là. Souriante. « Bonjour, je suis Ahmed Han… » « Ah !.... » Cette femme est formidable. Zehira vit au Canada depuis de nombreuses années. Elle a écrit « Le portrait du disparu… », « Lettre d’une musulmane aux Nord-américains »… C’est une femme aux convictions politiques formidables. Elle me dédicace son dernier livre, un roman « La honte se vit seule ». En couverture « Le Cri » de Munch. Un roman poignant sur l’espoir de l’homme (H) et le tragique de la réalité qui lui est imposée. Je lui offre mon dernier recueil… Asta luego …

14 heures, salle des Conférences. « La littérature algérienne, 3° génération. » Waciny Laarej est modérateur. Place aux jeunes ! Il y a là Amine Aït el Hadi, Abderrezak Boukeba, Nassima Bouloufa, Abdelouahab Aïssaoui, Lounis Benali, arabophones et Khaouter Adimi, francophone. Quelle énergie et quelles certitudes dans les interventions ! Pourquoi pas, bravo !
Parmi le public attentionné, il y a Fayçal M. que je vais voir… discussion…
Au stand de Livrescq je retrouve Nadia S. Et, surprise, H. X. Nous avions passé de bons moments lors du Forum du livre (en décembre dernier) avec notamment lectures de textes dans un superbe café sur les hauteurs de la Casbah devant un verre de thé à la menthe et la mer.

Dans la bouche de Métro « Les fusillés » une trentaine de policiers casqués sont postés. L’ambiance n’est pas à l’émeute. Bon enfant. Peut-être en rapport à la grève.




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PS : Je dédie le texte de cette journée à la jeune H. X. avec mon amitié sincère.

samedi, octobre 29, 2016

554_ Salon du livre d'Alger (SILA) 3.

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Vendredi 28 octobre 2016_ Mettre à jour mes notes d’hier. Balancer sur le Net, photos et texte. Je ne suis pas sûr que le débit est à la hauteur de la 4 G tant clamée.

10h30. Métro et Tram.  Même temps qu’hier. Il n’y a pas foule dans le métro. A l’entrée du SILA la fouille est superficielle. Pourquoi aujourd’hui plus qu’hier ? je me dis. « Par ici ammo pour le scanner ». Je passe sous le portique qui reste silencieux malgré les appareils électroniques dans mes poches. « Le sac par là. »

Au stand de l’Institut français Jean-Christophe Rufin de l’Académie française dédicace un de ses livres. J’offre mon « L’Arabe… » au directeur de l’Institut A. Andrès. Derrière, les stands de Salama et L’Ivrescq qui sont mitoyens, sont (momentanément) fermés. Je repasserai demain. On entend, émanant du stand égyptien, la voix de Mahmoud Darwich « Saqata el hissaro… » et les applaudissements. Le même docu diffusé hier.

Dans les allées, je suis surpris par le regard et le sourire d’un homme, et je tressaille. Je suis quelque peu bousculé. Je ne comprends pas. Mais tout cela ne dure pas plus de deux ou trois secondes. Il s’agit en fait d’un portrait en pied souriant de Barak Obama. Il sourit à quiconque passe devant lui. Joli coup de l’Ambassade US. Au stand de la chaîne 3 on me fixe rendez-vous pour dimanche. Je commence à fatiguer. Là un ouvrage de notre ami Salah Guemriche « Alger la blanche » et un autre dans une maison d’édition algérienne. Plus loin plus de 4m3, je dis bien quatre mètres cube, de livres uniquement de Yasmina Khadra. Beddraâ !

Un tour à l’extérieur ; Sandwich Shawarma et deux bouteilles d’eau. Vers 13h15, je veux prendre un café sous le grand barnum Chiken Burger, « maghlock », fermé. « fermé, pourquoi ? » « c’est l’heure de la prière ». Pendant ce temps le client peut manger de l’herbe s’il lui sied. Ou aller voir ailleurs. C’est ce que je fais. En face c’est ouvert. Petit stand sympa « un serré s’il vous plaît » « oui bien sûr ». Faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages. Un léger vent souffle et fait du bien. Tout autour des stands, on s’assoit comme on peut. Sur les trottoirs, sur les marches des halls. Il y a peu de bancs. Un imposant groupe de collégiens (sont-ils 20, 30 ?) sortis du Hall central, se dirigent calmement vers la sortie, derrière leur jeune enseignant. Des véhicules de police, de la protection civile, vont ou viennent. D’autres sont stationnés.

Je reviens à l’intérieur du Hall central. Je croise Mokrane Aït Larbi. Discussion. Je lui dis « c’est un honneur pour moi de vous saluer, vous dire tout le bien que je pense de vous et de Arezki. » Je lui parle de l’extrait du journal El-Watan (cf mon post d’hier) à propos du combat des justes comme lui et des opportunistes-démocrates qui arrivent comme des « marsiens » cueillir le fruit mûr. Il sourit « merci à vous ». L’Histoire fera le tri.








Je m’installe au stand de l’Institut français et attend la rencontre-hommage à Hadj-Nacer Khodja. Denis Martinez arrive à 14h40. A 15h10 commence l’hommage. Il y a plus de cinquante personnes





agglutinées dans un espace réduit. Surprise. Je rencontre Keltoum S. de Salon de P. Echanges « le passé est passé, reprenons sur des bases moins idéologiques ». Ok, Ok… Que la culture rassemble tous les Hommes de bonne volonté.  Arrivent mesdames Agnès Spiquel et Naget Khadda. Puis le directeur de l’Institut français, puis Yahia Belaskri, Guy Dugas… La rencontre commence après le mot de bienvenue de Alexi Andrès. Chacun des intervenants auxquels se joint Ameziane Ferhani y va de son hommage à Hadj-Nacer Khodja. Beaucoup d’anecdotes. Sont mis en avant la grande érudition du défunt, sa gentillesse, son humilité et sa discrète piété. Un ami d’enfance et une ancienne amie, de Djelfa tous deux, évoquent des moments très forts. Denis Martinez est émouvant dans sa lecture d'un poème de Khodja. Il me semble comprendre que sa fille nous a rejoints.
Ici vous pouvez voir et entendre Nacer Hamid-Khodja (c'était au Mucem):


 

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vendredi, octobre 28, 2016

553_ Salon du livre d'Alger (SILA) 2.

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Jeudi 27. La journée ne s’annonce pas moins chaude que celle qui l’a précédée, mais sait-on jamais. Il fait bon donc et le beau ciel bleu est parsemé de moutons blancs fort silencieux. P’tit déj vite avalé et me voilà à l’air libre. Derrière la poste, les revendeurs de livres d’occasion sont là comme hier. J’achète (200 DA) une carte (70X60 cm environ) intitulée « Séisme d’Orléansville du 9 septembre 1954 ». Elle est datée de la même année. Tous les détails y sont donnés : nombre de « tués (Européens, Musulmans, Total), destructions (maisons, gourbis) »… Le vendeur me propose toute une panoplie de cartes de l’époque coloniale : cartes des vins d’Algérie, cartes des minerais, des populations… Je choisis celle du tremblement car on y voit la région de mes ancêtres : Béni Merzoug, Talassa,  Ténès, Beni Haoua… On disait que ce tremblement était une réponse de Dieu à l’égarement des Hommes. Dans notre région aucun mort n’a été déclaré aux statisticiens.





Maintenant, avant de prendre le métro, il me faut acheter les journaux. « Là-bas » me dit un gars, juste à droite, après le carrefour. Je prends El-Watan, et Liberté. Je ne trouve pas Le Quotidien d’Oran « On ne nous l’a pas livré ». Même réponse qu’hier ailleurs. C’est étonnant, car l’année dernière on m’avait donné exactement cette même réponse à plusieurs reprises. Il y a comme un couac. Bref. Je pénètre la bouche de Métro Tafourah. Achète un ticket, Métro et Tram combinés (70 DA) et m’engouffre, lorsque j’entends « hé Parisien, Parisien ! » trois fois. Je me retourne. C’est un employé du métro hilare. Il me fait signe en brassant l’air devant son visage avec tout son bras, sa main, ses doigts « par là, monsieur ». Mais pourquoi « Parisien ? » Ils se marrent (ils sont deux) et moi aussi… Je comprends que je prenais une voie sans issue. Dans El Watan, en page 5, un article et un entretien attirent mon attention. Ils concernent l’avocat irréductible défenseur des Droits de l’homme Mokrane Aït Larbi (« un droit-de-l’hommiste » ironisaient certains proches du régime – qui se déclaraient opposants – dans les années 91-95...) J’ai beaucoup de respect pour cet homme (ainsi que pour son frère Arezki). Dans l’article le journaliste Hacen Ouali écrit très justement : « Les rares libertés dont jouissent les Algériens sont les acquis d’un combat acharné et courageux mené et assumé par une poignée de militants qui ont fait un choix difficiles pendant que d’autres ‘‘ravalaient honteusement leurs convictions’’, aujourd’hui érigés en chevaliers de la démocratie ». Merci monsieur Ouali. Oui, des gens ont lutté pour la démocratie en Algérie depuis les débuts de l’indépendance, alors que d’autres ont soutenu, directement ou indirectement (« soutien critique »), la dictature, puis ont tourné casaque… aujourd’hui ils se sont « érigés en chevaliers de la démocratie ». Dans l’entretien l’avocat fait le constat que « jusqu’à un passé récent, le ministère de la justice, comme toutes les autres institutions d’ailleurs, dépendait d’un colonel du DRS. » Cela fait du bien parfois de mettre de tous petits points égarés, sur les i orphelins de ces dits points.



Ah, mais c’est que nous sommes arrivés « à la foire ». Le soleil réussit tant bien que mal à se frayer un espace entre les nuages.

Ce n’est pas encore la grande foule, mais nous ne sommes qu’aux premières heures de l’ouverture. Dans le hall central, à la salle des conférence a lieu une rencontre, en arabe : « El I’lam wa ethaqafa jenben ila jenben emm wejhen li wejh ? » L’information et la Culture côte à côte ou face à face ? Je questionne. « C’est Saâd Bouokba  d’El-Khabar dit un homme, un grand bandit… ». Cet homme est enseignant à l’université il poursuit « Cet individu se dit opposant, mais en réalité il n’en est rien ». Au stand B36 occupé par El-Ibriz j’achète « Momo le poète béni » de Amar Belkhodja (300 DA). En exergue l’auteur a porté ces mots de Momo : « Il vaut mieux aider un homme qui reconnaît avoir été le véhicule d’une erreur que de seconder un autre qui prétend diriger la vérité » et chez Gallimard, un peu plus loin, je prends « Journaux de voyage » de Camus (300 DA). Un des rares ouvrages de lui que je n’ai pas. Je lis en page 99 : « Fatigué de noter des riens… » Sur le stand de l’Égypte, pays invité d’honneur de cette édition, Mahmoud Darwich clame sur un grand écran un de ses poèmes qu’il achève par un « Khallastou li… », mais je n’en suis pas sûr, devant une centaine de personnes aux anges. Le documentaire date du 26 janvier 2004, un peu plus de quatre ans avant la disparition du légendaire poète.

13h30 : « un peu d’air », sandwich… Dans le hall Casbah il y a des dizaines d’éditeurs, rez-de-chaussée et étage, essentiellement en arabe. Je ne m’y attarde donc pas. 14 heures. Une affiche informe la présence de Dany La ferrière pour lundi prochain. Je serai loin.

Impossible de trouve le stand C20, où a lieu une rencontre avec entre autres Agnès Spiquel. Au plafond est suspendue (en plusieurs endroits) une grand affiche bleue sur fond blanc mentionnant « El-mountaqa, Zone, C » el-mountaqa qui signifie ‘zone’ est écrit en arabe. Aucune info, ou très peu, sur les allées. Certains stands sont indiqués « A 20 », « C30 »… pas tous. C’est plutôt aléatoire. Cette zone semble désigner l’ensemble du bâtiment ou une grande partie… Je lis enfin « Chihab », le stand C20 que je cherche. Je reconnais Agnès Spiquel que j’interpelle aussitôt. Je lui remets mon « L’Arabe dans les écrits d’Albert Camus ». Elle me demande de le lui dédicacer. « Avec mes plus vifs remerciements pour vos travaux » Elle est en charge des Études camusiennes depuis longtemps où elle abat un travail phénoménal. Elle me dit qu’elle référencera mon livre.

Plus loin, dans le stand de l’Égypte, le ministre algérien de la culture, Azzedine Mihoubi fait l’éloge de « ce pays frère ». La crème de la culture officielle des deux pays est ici agglutinée. Manque que les youyous. Un jeune m’interpelle. Il croit (je ne sais pourquoi, peut-être parce que je prends des notes ?) que je suis journaliste. Il me demande si j’ai la liste des ouvrages interdits de salon. Je lui réponds que non. Ce jeune cherche un livre dont le titre est « La casquette et le cigare » d’un certain Ghani Mahdi. Non je ne connais ni ce titre ni ce monsieur. « C’est un journaliste de El Mgharibiya ». Non, je ne connais pas, mais je comprends que le titre soit interdit… « la casquette »…



« Bonjour Amel Bouaqba » (Canal Algérie), « tiens ». Je lui remets « Débâcles » etc… Je tourne, tourne. A hauteur du stand où je me trouve, « El Majless el Aâla Li elloughati el arabiya » arrive le ministre entouré de sa cohorte. Je l’apostrophe « tenez monsieur le ministre, je vous offre mon recueil de poésie, faites votre tri… » Il prend « aâtik Saha, Choukr »… quelque chose comme ça. Il est pressé. Il pend le livre, le feuillette, en fait comme un rond de serviette, c’est dire. Et il sourit par-dessus le marché. Sa garde rapprochée le presse.



15h45, de nouveau la grande salle des rencontres (ou des conférences). Jean Noël Pancrazi parle de ses romans. Un gars d’ici « je suis Algérien, un enfant du Bled, de Batna… huit ans en 62… » Inexact, peut-être la mémoire qui joue des tours. Il est né en 49, alors 13 plutôt que 8 non ? Il parle de ses livres Montecristi, Madame Arnoul, Indétectable »… Et c’est Youcef Sayah l’animateur de l’émission hebdomadaire (mardi) « Expression livres » qui le présente, avant les questions de la salle. A la fin de la rencontre je discute avec l’un et l’autre.

17 heures, peut-être rentrer. La journée s’annonçait chaude, elle ne le fut pas vraiment. Tram et métro (la clim rend malade). Dans la chambre d’hôtel je me connecte à l’Internet. Non, je tente de me connecter. Ca ne marche pas. Le matin oui, le soir non. Comme hier. Je prends l’ordi, le place à tel angle de la pièce, à tel autre, derrière la fenêtre, sur le balcon. Tiens là peut-être. Oui le signal indique une possibilité, la page Google apparaît, mais pour se fige aussitôt. Insister est peine perdue… Dans le journal télévisé, des attributaires de logements disent haut et fort leur grande satisfaction « Louange à Dieu, vive l’Algérie, vive Bouteflika… » et lancent des youyous. Un peu plus tard un long documentaire est consacré à Kateb Yacine mort à Grenoble à 60 ans, le 28 octobre 1989. Un docu qui n’a plus d’âge (2002)où l’on voit ses amis Khalfa, Zamoum, Mediène le raconter. Et sa jeune sœur… et un long silence au SILA. Silence au sila.



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mercredi, octobre 26, 2016

552_ Salon du livre d'Alger (SILA) 1.








Mardi 25 : Je peux vous affirmer – peut-être l’avez-vous constaté vous-même –, il est difficile de passer en une heure à peine, de 17° Celcius (le matin à Marseille) à 35 (à midi à Alger). Dès l’arrivée à l’hôtel formalisée, une douche s’impose. C’était hier. Difficile de s’activer. Un petit tour en fin de journée au centre, du côté de Tafourah, la Grande poste, Ben M’hidi… La librairie du Tiers-monde grouille de monde, mais le patron n’est pas là « à cause de la foire » (préparation du SILA). Pas grave. Je lui achète « La vie (presque) vraie de l’Abbé Lambert » de Djemaï, édité ce mois-ci chez Barzakh (600 da).

Mercredi 26 : Le ton est donné dès le matin. Même temps qu’hier. Mais là je ne suis pas pris au dépourvu. Je m’habille en fonction. Léger. Dans la chambre, après le petit déjeuner, coup d’œil au Wifi… Dès hier et ce matin j’envoie un paquet de courriels et de téléphone, à gauche, à droite, en haut… Je monte à Sidi-M’hamed, La RTA à une centaine de mètres de Georges V. Une flopée d’agents de police (et leurs voitures) s trouvent devant le mythique hôtel. Une folle circulation bercée par les klaxons tous azimuts : ambulance, taxis et n’importe qui (c’est Alger oui ou non ?). Mais il fait (relativement) bon marcher (à l’ombre). Je me demande si derrière l’hôtel, rue Souidani B., le FFS y a toujours son siège… souvenirs des chaudes journées de manifs et de grèves de 1991… Au musée Bardo l'histoire défile...


Au retour,  
 
 
 
 
 
Surr la rue Didouche Mourad, non loin des facultés, le Centre culturel Mustapha Kateb. Je ne connaissais pas (il me semble qu’une braderie s’y tient). Tiens, un minicar, type Karsan (peut-être pas), bleu et blanc de la société Etusa se gare : « navette aéroport - place Audin, toutes les heures 7j/7 » est-il écrit sur son flanc ». Si j’avais su j’aurai pas venu, ou du moins je n’aurais pas pris le taxi qui m’a taxé de 1200 da – j’ai marchandé un chouiya – en faisant un détour par Kouba (faut bien déposer l’autre client, 1800 pour lui. Un turc). Et cette chaleur qui va crescendo. Des jeunes grattent une guitare. Sympa. Rue Arezki Hamani (ex Charasse) je rentre dans la fameuse librairie El-Ijtihad (ex Dominique). On y trouve El Khatwa Oummaliya et Alger Républicain en feuillets 21X29, (pauvre de lui !) et des revues communistes comme Le Prolétaire (dans des formats encore plus petits). Qui les lit ? Le patron est fort occupé. Tant pis. Je rentre fissa prendre une douche. Et écrire ces lignes.




vendredi, octobre 14, 2016

551_ Débâcles - mon dernier recueil de poésie

En librairie, dès le 25 octobre.
Ici aussi: 

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L’automne déjà ?

Désormais mon soleil rafraîchit son visage à l’eau de mer. Qu’il est loin le chant du coq…celui-là même qui m’a ouvert au monde et m’y a mis. Les saisons dansaient autour de mes insouciances, et mes rêves insensés froissaient les cloisons jusqu’aux plus sophistiquées. ‘‘Larguez les amarres !’’ s’exclamaient les marins des mers et des océans aux hommes arrimés à leurs certitudes, servitudes. À leurs misères.

Je les ai bien écoutés et le moment propice un jour, alors que le printemps de nouveau parsemait ses robes versicolores et emplissait nos îlots de ses effluves enivrants, j’ai attendu que l’obscurité s’installe pour envelopper l’amertume, le conformisme et tous les ismes et umes à ma portée – ils ont longtemps brûlé le sel de mon corps à mon corps défendant – dans un manteau que j’ai mis en bière et jeté par-dessus bord, pas comme une bouteille qui dit autre chose, qui crie ‘‘j’arrive !’’ mais pour m’en délester définitivement. J’avais vingt ans, mon éternité tenaillait tous les enfers. La veille j’avais craché sur les poids et mesures de la Balance et toutes les lâchetés. Adieu aussi aux amitiés asséchées, décharnées ! ‘‘A nous deux liberté !’’

Il fallut manœuvrer et s’armer de patience. Voilà que l’horizon n’était plus qu’une ligne du large, dépassée. L’envers de l’enfer n’était pas l’endroit du paradis. Que de couleuvres avais-je eu à avaler ! Dans les berges d’Amsterdam, des matelots ivres et des femmes-accordéons m’ont lancé des frites belges et j’ai fermé les yeux. Dans mon dos innocent, des index tapageurs pointaient mon intrusion. Avaler des danses et des boas, n’est-ce pas le lot de notre humanité ?

Plus tard, dans d’autres contrées où l’atmosphère se parait de bienveillance, j’ai frôlé la fierté de montagnes souvent inaccessibles. Au pied de l’astre bleu des beaux jours, j’ai fait des rencontres inattendues. J’ai déambulé dans les banlieues de la vie à la recherche d’audaces à assouvir et une langue pour m’y noyer corps et plume. Des danses il y en eut d’autres, de toutes sortes, jusqu’à la torride Turku, jusqu’aux aurores boréales. Aux quatre points cardinaux, sans crier gare, les clepsydres se chargeaient d’écouler les émois du monde en perpétuel équilibre incertain. Ils s’écoulèrent et s’écrouleront, percés par la Flèche.
Les souvenirs paralysent ma mémoire dans leur inévitable conversion.

L’aurore que j’avais longtemps soumise à mes caprices ne m’a pas toujours été fidèle non plus. Aujourd’hui le ciel se couvre un peu plus. Des orages obscurs s’amoncellent alentour sur les aubes et les hommes de ma génération. Mon soleil se farde de rouge et le questionnement aporétique égrène prestement les saisons qui ne cessent de virevolter dans un monde engoncé dans une profonde dépravation. N’est-ce pas déjà l’annonce du seuil d’un intime et banal automne ?

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